La pirate musulmane crainte par tous. Sayyida Al-Hurra ou la «dame libre» a joué un grand rôle dans la gouvernance et la diplomatie du Royaume au XVIe siècle.
Elle fut pirate et gouverneure de la ville de Tétouan, une trentaine d’années durant. On ne connaît pas son vrai nom. Certains l’appellent Aïcha, d’autres Fatima. Quoiqu’il en soit, c’est sous le nom de Sayyida al Hurra ou Sitt Al Hurra bint Ali ibn Rashid al-Alami qu’elle est aujourd’hui présentée.
Elle serait venue au monde vers 1493, d’un père musulman, Ali ben Moussa ben Rachid, et d’une mère espagnole, Zahra Fernandez. Sa famille a dû s’installer au Maroc car en 1492.
Elle a été surnommée "Al Hurra" car en plus d’être connue pour sa grande intelligence et son grand sens de la stratégie, elle a su faire preuve d’indépendance au terme de son premier mariage. Son père lui, est fondateur et prince du royaume Chefchaouen. Après le tumulte de la Reconquista, c’est à cette localité que l’enfance de Sayyida se déroule et qu’elle reçoit sa formation par les plus grands savant d’antan.
A 16 ans, Sayyida al-Hurra assiste à un tournant dans sa vie. Afin de faire face à l’occupation chrétienne, cette dernière épouse Mohamed Al-Mandari, un ami de son père de trente ans plus âgé qu’elle, deuxième gouverneur de Tanger, qu’elle assiste dans ses affaires. In fine, l’alliance entre les deux familles se renforce. Leur union est le fruit d’une consolidation de relations politiques et diplomatiques entre deux familles d’influence, faisant front commun contre l’occupation chrétienne. Car après tout, son époux, n’est autre que le neveu et successeur du grand chef militaire grenadin Abou-l-Hassan Ali Mandari. Al-Hurra apprend à ses côtés les arcanes de la gouvernance et de la diplomatie, elle lui succède à sa mort en 1529, et gouverne à Tétouan pendant près de 30 ans. Cet événement sera la raison pour laquelle elle sera surnommée "Al Hurra" : la femme libre. C’est à cette période qu’elle s’allie à Arudj Reïs Baba-Oruç, un corsaire ottoman redouté par tous.
A présent au pouvoir, la seule pensée qui l’anime est de se venger de la perte du Royaume infligé par les chrétiens. C’est donc comme un rempart aux invasions portugaises et espagnoles qu’elle souhaite se dresser. Pour solidifier sa stratégie et avoir un impact plus conséquent, elle se rapproche du redoutable corsaire turc Arudj Reïs Bab Oruc, connu également sous le nom de Barberousse, avec qui elle s’allie. Ensemble, ils organisent des expéditions pirates bien connues en Méditerranée et dans le détroit de Gibraltar. Les expéditions visent à dépouiller les navires de leurs chargements en or et autres trésors. Sayyida, accompagnée d’une flotte formée et qualifiée, parvient très vite à mettre en difficulté les camps espagnols et portugais, elle les emprisonne et n’accepte de les libérer qu’après d’âpres négociations.
C’est désormais au nom de la liberté que Sayyida gouverne et navigue. Convaincue par sa mission, elle désire effrayer les armées opposées et montrer que nulle conquête ne peut être envisagée ou espérée. Lorsqu’on lit aujourd’hui les chroniques chrétiennes du XVème siècle, on se rend compte à quel point ces expéditions étaient dissuasives. En effet, son nom est devenu très vite craint poussant un grand nombre de pirates à éviter de s’aventurer dans les eaux où elle se trouvait. Ses actions valent à Sayyida al-Hurra une telle renommée qu’en 1541, le roi du Maroc Ahmed al-Wattassi la demande en mariage. Contrairement aux usages, c’est lui qui fait le déplacement pour que le mariage ait lieu à Tétouan.
Apparemment, la gouverneure aurait demandé ce déplacement pour prouver son intention de continuer à régner malgré tout. Elle continue effectivement à résider et gouverner à Tétouan, jusqu’à ce que son beau-fils la renverse l’année suivante. Dépouillée de ses biens, de son pouvoir et de sa gloire, le sort de Sayyida al-Hurra, et notamment la date et les circonstances de sa mort, est ensuite inconnu. Notre pirate serait retournée dans sa ville natale, Chefchaouen, où elle aurait rendu l’âme en 1562. Sa tombe, sise dans la zaouïa Raïssouniya, attire à ce jour un nombre important de femmes marocaines.
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