Le mot Bey’a (allégeance) est connu de tous. Il est même au cœur du mécanisme politique et religieux de «l’empire chérifien». En effet, la Bey’a représente dans l’Histoire l’essentiel de la relation entre le souverain et ses sujets. C’est un pacte entre le gouvernant et les gouvernés. Ce contrat vient sceller un accord de principe selon lequel le souverain est reconnu comme un chef politique et religieux. En temps de paix et, plus encore en temps de guerre ou de turbulences politico-religieuses, il est d’une importance stratégique de réaffirmer ce lien essentiel, garant d’une certaine stabilité.
À l’origine de la Bey’a, le Coran : «Ô les croyants! Obéissez à Allah, et obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui détiennent le commandement» (sourate Al-Nissa’, verset 59). Dès les premières dynasties musulmanes, les califes sont autant des chefs politiques que religieux. C’est d’ailleurs aussi le cas du Maroc à travers la prise de pouvoir des Idrissides à la fin du VIIIème siècle. Les premières traces de Bey’a au Maroc datent, notamment, de la période des Almohades (1121-1269). Il est alors question d’abord de reconnaître l’autorité politique et religieuse du souverain, mais aussi d’un pacte, qui engage le gouvernant mais aussi les gouvernés.
Plus qu'un acte d'allégeance symbolique, la bey'a représente avant tout l'acte d'investiture. Une forme de sacre, ayant une portée politique et historique consacrant le continuum de la nation.
Monarchie séculaire, l'investiture du pouvoir au Maroc se fait par le biais de la bey'a, dont on remonte l'origine au temps du Prophète. Les différents historiographes, notamment le grand Abderrahmane Ibn Zidan (dans son ouvrage sur les us et les attributs du pouvoir au Maroc, Al 'iz wa sawla), s'en réfèrent au modèle de la bey'a dite du Ridouan, quand les compagnons du Prophète lui prêtèrent serment à La Mecque. Dans l'historiographie marocaine, l'interprétation donnée à la bey'a dépasse le simple cadre de passation du pouvoir. Elle s'apparente, dans les «préceptes du commandement» (ahkam sultania, ou droit public musulman), à une forme de contrat social. L'historien Abdellah Laroui y a vu une reproduction du modèle hobbesien où le pouvoir, désormais concentré entre les mains d'une seule personne, confère le salut public (salus populi), qui est la finalité du pouvoir, ce qui s'apparente à la sécurité collective et à celle individuelle (al-amn wa al-aman) dans la tradition musulmane.
Sources :
Lettre du Cheikh Maa Laynine au sultan Mohammed Ben Youssef, qui atteste de la Marocanité du Sahara (lettre datant du 3 choual 1372 de l’hégire (16 juin 1953)
Allégeance de 26 juges de Fès à Moulay El Hassan Ben Mohammed Ben Youssef. Un texte signé le 11 Ramadan 1380 de l’hégire (27 février 1961)
Acte d’allégeance de l’émir Abdelkader et d’Ahl Tlemcen au sultan du Maroc
Texte d’allégeance des adouls du Maroc au Roi Mohammed VI, signé le 23 juillet 1999. Le préambule commence par un extrait du coran: «Ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que prêter serment à Allah: la main d’Allah est au-dessus de leurs mains. Quiconque viole le serment, ne le viole qu’à son propre détriment; et quiconque remplit son engagement envers Allah, Il lui apportera bientôt une énorme récompense». Sourate 48- Al Fath (Victoire éclatante).
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