LE MAROC ET L'AÉROPORT DE GAZA
- 21 oct. 2024
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En mai 2024, quelques mois après le début de l’offensive lancée par Israël en réponse à l’attaque lancée par le Hamas le 7 octobre 2023, Tsahal bombardait l’aéroport international de Gaza. Un site qui n’était plus utilisé depuis le début des années 2000, et dont les responsables israéliens ont affirmé qu’il abritait des combattants du groupe palestinien.
Cette attaque a été l’occasion de rappeler que si la construction avait été financée par l’Égypte, le Japon, l’Arabie saoudite, l’Espagne et l’Allemagne, c’est bien le Maroc qui avait été choisi pour le concevoir. L’aéroport palestinien était d’ailleurs jumelé avec celui de Casablanca. Dans ses mémoires, Maroc – Palestine, les rendez-vous avec l’histoire, Ahmed El Biaz, qui a notamment été le directeur général de l’Office national des aéroports (ONDA) raconte comment le royaume a été sélectionné en raison de l’action de SM le roi Hassan 2 en faveur de la cause palestinienne et rappelle que, le 24 novembre 1998, la Royal Air Maroc lançait le premier vol Casablanca-Gaza.
Voici le récit de Ahmed El Biaz :
En 1958, j’ai effectué une visite en Palestine, organisée conjointement par la section de l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) du Moyen-Orient, que je présidais, et par l’Union des étudiants palestiniens, à laquelle appartenait Mahmoud Abbas, alors étudiant. Lors de ce voyage, j’ai été très affecté par les conditions difficiles dans lesquels vivaient les Palestiniens, du fait de l’occupation israélienne. Puis, en 1965, j’ai effectué un vol, à bord d’un avion DC4, de Paris à l’aéroport Qalandia d’Al-Qods (Jérusalem, NDLR) dans le cadre d’un voyage d’étude avec les étudiants de l’École nationale de l’aviation civile (ENAC-Paris). J’y ai constaté la forte discrimination qu’enduraient les Palestiniens. Cela a renforcé mon attachement à la Palestine et à sa cause légitime.
Après l’occupation d’Al-Qods-Est en 1967, Israël a décidé son annexion en 1974. Cela englobait bien sûr son aéroport, Qalandia. De par mes responsabilités au sein de l’Organisation arabe de l’aviation civile (OAAC) et du réseau des relations que j’avais tissé dans le monde de l’aviation civile internationale et avec les dirigeants des grands aéroports internationaux, j’ai pris l’initiative de réunir une session extraordinaire de l’OAAC, à Marrakech. Les participants m’avaient chargé de poser le problème de l’annexion de l’aéroport Qalandia par Israël devant l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI), lors de sa conférence organisée fin 1974 à Montréal, au Canada.
Grâce au travail de lobbying et de concertation avec les groupes régionaux de l’OACI et à l’action des délégations arabes, la conférence a voté une résolution considérant l’annexion de l’aéroport d’Al-Qods comme nulle et non avenue et demandant aux compagnies aériennes de ne pas programmer de vols en direction ou en partance de cet aéroport. Cette résolution a été respectée et l’OACI l’a confirmée en 1980. Enfin, après l’Appel d’Al-Qods lancé par feu Hassan II au monde musulman, en 1997, j’ai pris l’initiative de le soutenir par l’opération « Au service de l’Appel d’Al-Qods » qui a réalisé une collecte d’un million de dollars. Cela a contribué au lancement de l’Agence Bayt Mal Al-Qod, qui, sous la présidence et les Hautes directives de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, apporte un précieux soutien économique, social, culturel et humanitaire aux Palestiniens.
Il faut préciser que c’est d’abord le Maroc qui a été choisi, parmi divers postulants. Cela en raison du rôle de feu Hassan 2 dans le processus de négociations palestino-israéliennes qui a abouti aux accords d’Oslo. À mon sens, le choix de Yasser Arafat s’est basé principalement sur les considérations suivantes : mon initiative pour l’aéroport Qalandia d’Al-Qods après son annexion par Israël, la réalisation d’un vaste programme de développement de l’aviation civile nationale dans le respect des normes internationales, un vaste réseau de relations à l’international, à travers des partenariats et des jumelages avec les organisations de l’aviation civile internationale, les établissements de formation et les aéroports les plus importants.
Pour moi, ce fut l’occasion rêvée de mettre en œuvre un véritable parrainage de l’autorité de l’aviation civile palestinienne, comprenant outre la construction de l’aéroport international de Gaza, symbole de souveraineté et de paix, la formation du personnel et la mise en exploitation dudit aéroport, afin que notre apport soit à la hauteur de cet événement historique et de l’attachement exemplaire des Marocains à la juste cause du peuple palestinien.
En adoptant une approche managériale, dans le cadre d’une autonomisation responsable, sur la base de la Haute directive de feu Hassan II de la Globalisation, qui prévoyait l’intégration des services du contrôle aérien dans la gestion des aéroports. En ce sens, pour la construction de l’aéroport de Nador, j’ai eu recours, pour le financer, à une opération immobilière. J’ai acheté le terrain de l’ancien aéroport, j’en ai aménagé une partie que j’ai vendue.
Avec les recettes de cette vente, j’ai construit l’aéroport et même la nouvelle ville de Nador. De même, pour la construction de l’aéroport d’Essaouira, j’ai fait adopter par le Conseil d’administration de l’Office national des aéroports (ONDA) une décision stipulant le financement des nouveaux aéroports par une contribution de l’ONDA, à raison de 50 % de son budget, et le reste par celle des responsables de la région (autorités locales, promoteurs…)
Même si la réalisation de ce projet a coïncidé avec un agenda très chargé – premier plan de développement du secteur aéroportuaire 1993-1997, recouvrement de notre souveraineté sur l’espace aérien et projet de construction de l’aéroport de Nador – et malgré l’éloignement géographique et les incertitudes qui marquent les relations entre les Palestiniens et les Israéliens, j’ai accepté de relever le défi de le réaliser, sans la moindre hésitation.
Côté israélien, il y avait quelques oppositions au projet de l’aéroport de Gaza. Certains le voyaient comme une petite plate-forme pour des vols internes. Cependant, Yitzhak Rabin (Premier ministre israélien de 1992 à 1995, NDLR) a donné son aval pour sa localisation et pour qu’il soit un aéroport international. On a rencontré des difficultés à faire entrer des matériaux, mais l’aide de certains responsables israéliens d’origine marocaine nous a permis de les surmonter.
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