Fatima Al Fihria, la femme qui a fondé la plus ancienne université au monde.
Discrète, pieuse et humble, Fatima Al Fihria (فاطمة بنت محمد الفهرية القرشية) est une riche héritière d’une famille tunisienne de commerçants, établie à Fès. Elle voit le jour en l’an 800 à Kairouan (une ville au centre de la Tunisie) et devient donc la fille de Mohamed Al Fihri, un marchand prospère connu dans toute la ville. À l’âge de 19 ans, Fatima se marie avec son voisin. Ensemble, ils ont deux fils dont notre protagoniste ne se détache presque jamais. Là où elle va, Fatima est accompagnée de ses mômes, ce qui lui vaudra le surnom de "Oum Al Banine" (la mère des deux enfants).
Vers 820, alors que Fatima est toujours endeuillée par la mort de sa mère, son père décide de fuir sa ville natale à cause des violentes émeutes qui ont éclaté à cette époque à Kairouan. Les Fihri rejoignent donc les quelque trois cents familles qui quittent Kairouan pour s’exiler au Maroc et s’installer à Fès, alors sous le règne du sultan Moulay Idriss II, et où s’étaient déjà réfugiées environ huit cents familles, musulmanes et juives venues d’Andalousie.
Ainsi, sont créées, sur la rive gauche de "l’oued" (la rivière), la partie des Qaraouiyine pour ceux venus de Kairouan et sur la rive droite, la partie Al Andalous, pour ceux arrivés d’Andalousie. Mais le père ainsi que l’époux de Fatima décèdent peu de temps après. Sa sœur Mariam et elle deviennent les héritières d’une importante fortune.
Elles auraient pu se permettre une meilleure vie. Mais après réflexion, les deux héritières décident de dépenser leur richesse au service de la communauté afin de mériter la bénédiction de Dieu. Souhaitant vivre dans la dévotion et l’extrême simplicité, elles consacrent toutes deux, l’ensemble de leur richesse à la construction d’œuvres pieuses, dont la mosquée des Qaraouiyine qui deviendra par la suite, une université connue de tous.
Fatima, bien que n’ayant aucune compétence en architecture, souhaita commencer avec la construction d’une mosquée dans le quartier d’Al Quaraouiyine. Elle acheta donc à proximité un terrain nu. Entourée de personnes pour la conseiller, elle commença à creuser les premières fondations le premier jour du mois de Ramadan de l’an 859. La légende raconte que malgré son ignorance en architecture elle aurait supervisé la construction de l’édifice dans ses moindres détails. Comme l'historien tunisien Hassan Hosni Abdelwahab l'a noté dans son livre Famous Tunisian Women: "Elle s'est engagée à n'utiliser que la terre qu'elle avait achetée des autres".
Alors que sa sœur Mariam a elle aussi bâti une mosquée, Al Andalous, la grande Histoire va donner au rêve simple de Fatima Al Fihria la dimension d’un destin. Sa mosquée à elle va devenir l’université la plus célèbre du monde musulman, la plus ancienne au monde, reconnue à ce titre par le Guiness des Records. Bien avant Bologne, Oxford, Salamanque ou la Sorbonne.
Fès, qui faisait déjà partie des villes les plus influentes du monde musulman, a aussi joué un rôle encore plus central. Car de grands penseurs du monde entier s’y sont rendus afin d’y étudier. Parmi ceux ayant fréquenté ladite université, Muhammed Al-Fasi, un grand théoricien de l’école malékite, Moïse Maimonide, savant et philosophe juif, Gerbert d’Aurillac, plus connu sous le nom de pape Sylvestre II, ou encore le célèbre voyageur et écrivain, Léon l’Africain. Grandes personnalités y auraient notamment enseigné tels le grand Ibn al-‘Arabi, l’historien Ibn al-Khaldoun ou l’astronome andalous Al Bitruji.
Au sein du pôle religieux et culturel de Fès, la mosquée el-Qaraouiyyîn fait aussi fonction d’université et devient la première de l’histoire et joue un rôle de premier plan dans les relations culturelles et universitaires entre le monde islamique et l’Europe. Elle enseigne entre autres la religion, la grammaire, la médecine, les mathématiques, et produit de grands penseurs, théologiens, philosophes ou astronomes. Fatima el Fihriya meurt en 880. L’Université Al Quaraouiyine, qu’elle a fondée, est encore en activité aujourd’hui.
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