Rabat
top of page

BOUALEM SANSAL, SYMBOLE DE LA RÉPRESSION EN ALGÉRIE


Boualem Sansal, écrivain franco-algérien de renommée internationale, fut arrêté le 16 novembre à l’aéroport d’Alger et incarcéré à la prison de Koléa, devenue le symbole de la répression de la nouvelle Algérie, à environ 35 km d’Alger.


Son arrestation a soulevé un tollé général en France, et parmi les intellectuels à l’échelle internationale. Sa demande de remise en liberté, déposée par son avocat, a été rejetée par le régime algérien le 11 décembre. En Algérie, seules les voix condamnant et enfonçant Sansal s’expriment en raison de la répression féroce qui s’abat sur tout citoyen exprimant une opinion discordante avec le discours officiel du régime algérien.


Officiellement, l’écrivain est accusé d’« atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale, et de complot contre l’autorité de l’État » pour avoir déclaré, dans un média français : « quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc. Tlemcen, Oran, et même jusqu’à Mascara et tout ça ; toute cette région faisait partie du royaume du Maroc ».


Ces chefs d’accusation prononcés contre Sansal sont énoncés en 2021 dans l’article 87 bis du code pénal algérien, décrié depuis par les organisations des droits de la personne, qui redéfinit l’« acte terroriste » comme toute tentative visant à « porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou [...] inciter à le faire, par quelque moyen que ce soit ». L’expression « par quelque moyen que ce soit » inclut tout discours politique, toute opinion exprimée et toute parole rapportant un fait historique.


Cet élargissement juridique de la définition du terrorisme fait de facto pour le régime algérien de Boualem Sansal un terroriste, puisqu’on retrouve dans ses propos tous les attributs de la nouvelle définition du terrorisme : « porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou [...] inciter à le faire, par quelque moyen que ce soit ».


Pour rappel, Alger a réclamé aux autorités françaises l’extradition du président du MAK, Ferhat Mehenni, demande rejetée par celles-ci, car jugée non fondée. Les États-Unis rejettent également cette classification dans le rapport de 2022 sur le terrorisme publié par le département d’État américain, en affirmant qu’elle est politique et non pas sécuritaire.


Dans un reportage de Radio-Canada dénonçant l’ingérence et les pressions exercées par le gouvernement algérien sur les ressortissants canadiens d’origine kabyle, il est mentionné que le Canada a également rejeté cette classification⁠.


En essayant d’établir ainsi un lien fictif entre Boualem Sansal et le MAK, l’objectif recherché par le régime algérien est d’amener la défense à se focaliser sur l’absence de tout lien entre l’écrivain et le MAK pour faire oublier les accusations initiales, tout en faisant passer l’idée selon laquelle le MAK serait alors une organisation terroriste, puisque ce n’est pas la nature terroriste de cette organisation qui est contestée, mais le lien entre l’écrivain et cette organisation.


En condamnant l’écrivain francophone Boualem Sansal pour ses propos non violents, c’est avant tout la liberté d’expression qui est attaquée et considérée comme un acte terroriste selon l’article 87 bis du code pénal algérien.


Ce ne sont pas les propos de Sansal qu’il convient de juger, mais plutôt la définition du terrorisme établie par l’État algérien et son arsenal juridique répressif et illégitime. En somme, la condamnation de Boualem Sansal ne fait que révéler au monde entier la chape de plomb qui s’abat actuellement en Algérie sur les écrivains, journalistes et militants politiques depuis l’élection d’Abdelmadjid Tebboune en 2019.


Derrière le cas de Sansal se cachent des centaines de détenus politiques dont personne ne parle. Les souffrances générées par son arrestation et son incarcération ne seront pas vaines si elles permettent justement de les sortir de l’ombre.


Le cas Boualem Sansal dépasse les frontières des clivages politiques ou idéologiques. Il pose une question universelle et essentielle : celle de la liberté d’exprimer, de critiquer, de remettre en cause. Soutenir Sansal, c’est défendre le droit de penser et de créer librement, un fondement indispensable à toute société démocratique et équitable.


La question n’est pas de savoir si l’on partage ses idées, mais de comprendre que son combat est celui de toutes les consciences éprises de liberté. La littérature, espace de création et de pensée, ne saurait s’épanouir sous la menace ou la contrainte. L’arrestation de Boualem Sansal est une injustice manifeste, un symbole de répression et d’intolérance. Face à cette situation, une seule exigence s’impose : sa libération immédiate et sans condition.


La tyrannie du régime algérien version Tebboune, née en 2019 en plein manifestations du Hirak, va atteindre des sommets en 2024 par une violence d’Etat contre l’opposition, les journalistes et les intellectuels ainsi que la société civil.


La lecture des rapports des principales organisations mondiales de défense des droits de l’homme ont tous les ans, depuis 2019, relevé les graves dérives du régime algérien. Ceux d’Amnesty International, de Human Rights Watch ou de la Fédération internationale, des Ligues des droits de l’homme, de Riposte internationale, entre d’autres, le constat est encore plus édifiant en 2024 qu’il ne l’était auparavant.



Comments


bottom of page